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UN ESSAI SUR LA COUR DE RÉPRESSION DE L'ENRICHISSEMENT ILLICITE AU SENEGAL

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Monsieur Pape Sadio Thiam, journaliste consultant en communication vient de publier un essai sur la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Cette nouvelle publication de l’auteur intitulée : « la Crei ou les limites d’une institution controversée » est préfacée par l’ancien Ministre d’Etat, Ministre de la justice Cheikh Tidiane SY La postface est assurée par Samuel Amet Sarr, ancien Ministre d’Etat dans le gouvernement de Me Abdoulaye Wade.



Avertissement de l’auteur Pape Sadio thiam Page 3: « Le concept de nouveaux riches a été forgé pour dénoncer la rapidité inconcevable avec laquelle quelques ministres et directeurs de société se sont enrichis en moins de dix ans. Cet ouvrage n’est donc pas un plaidoyer pour les voleurs à col blanc qui narguent les sénégalais. Le Sénégal ne peut se permettre d’asseoir son économie sur des bases nébuleuses, ni l’accommoder aux vicissitudes de la corruption parce qu’aucune économie n’est viable si elle n’est pas débarrassée de certaines formes nocives d’enrichissement illicite. Il ne saurait donc être question de protéger personne. Mais il pose le débat sur l’opportunité et la viabilité d’une institution aussi controversée que la Crei. La soudaine prospérité et l’étalage ostensible de richesses dans des cérémonies de prestige sont devenus absolument impudiques dans ce pays et il faudra tôt ou tard rendre des comptes. Cette richesse insolente doit pouvoir être justifiée par ceux qui en sont les propriétaires pour non seulement donner le bon exemple, mais aussi pour au moins réconcilier les citoyens avec le pouvoir. Les mœurs politiques qui sont en tain d’élire domicile depuis quelques années au Sénégal sont révélatrices d’une relation ambiguë avec l’argent. Des rumeurs font état de toutes sortes de sociétés dans le domaine du bâtiment qui ont des rapports ambigus avec certains cercles du pouvoir. Il urge donc pour édifier l’opinion publique et, en même temps, envoyer un signal fort au reste de la société, de sévir : le pouvoir libéral a tout à gagner dans l’éclatement de la vérité. Ceux qui on t nargué le peuple en étalant une richesse suspecte au nez et à la barbe du peuple doivent répondre de leurs acte. Quels que soient le charisme d’un homme d’État et son ingéniosité, il perd une partie de sa légitimité dès qu’il est réputé être complaisant ou incapable de sanctionner. La lutte contre les détournements de derniers public doit être celle tous les citoyens honnêtes. Il n’y a rien de plus corrosif pour le pouvoir politique que la lassitude et l’abaissement en matière de lutte contre la corruption. De la même manière que les gens ont coutume de penser que ce qui n’est pas interdit est permis, ils sont enclins à croire que le fait qu’une autorité mise en cause ne soit pas sanctionnée leur donne le droit d’être corrompus et indélicats. Voilà le fondement moral de l’exigence que les hommes d’État de l’opposition comme du pouvoir soient exemplaires : parce qu’on désire psychologiquement leur ressembler, leur imposture et leur indélicatesse font plus de ravages que celles du citoyen ordinaire. Par contre ce serait fataliste de croire que la lutte contre la corruption rencontre des barrières infranchissables et que c’est hors de portée d’un gouvernement que de lutter contre ce fléau. On doit persuader les citoyens que non seulement le pays est suffisamment pourvu d’instruments juridiques et institutionnels pour traquer la corruption, mais aussi qu’il est résolument tourné vers un avenir fait de tolérance zéro en matière de sanction de la corruption. Pour ce faire, il faut s’employer à traquer la corruption en amont et ne pas seulement se contenter de la traquer après sa commission. Il faut « promouvoir la vertu pour prévenir les vices », or un tel pari ne peut être tenu si la justice ne fonctionne pas à plein régime comme un pouvoir indépendant de l’exécutif et du législatif.»



Dans la postface signée par Samuel Sarr, ont peut relever ceci : « Le pouvoir est comme un virus qui ronge et tue à petit feu la droiture, car lorsqu’on est investi de la faculté de parler ou de décider au nom de tout un peuple, il y a de grands risques qu’on croie que tout ce qui est interdit l’est pour les autres et qu’on est au-dessus du bien et du mal. ». Samuel Sarr d’ajouter : « Nous ne sommes pas pour la mal gouvernance. Nous sommes pour la réédition des comptes de la part de tous ceux qui ont eu à gérer les biens publics. Tout le monde est d’accord que notre pays a jusqu’ici réussi à asseoir les bases d’une démocratie qui se respecte, malgré ses imperfections. Cependant des poches de résistance au développement sont toujours perceptibles dans la gestion des affaires publiques ; et malgré la bonne volonté des différents gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays, la question de l’enrichissement illicite reste le point faible de notre démocratie.’ » « Au regard de sa forme, de son contenu et de son ton, cet essai jette des pistes de réflexion sur ce que doit être la justice, même dans un pays en voie de développement. Si l’inconstitutionnalité de la Cour de répression de l’enrichissement illicite reste la thématique centrale de ce essai, l’auteur, introduit un questionnement souvent refoulé par les sergents de la « traque des biens mal acquis », mais qui revient toujours au galop dans les tréfonds de leur mémoire : « on ne chasse généralement le sorcier que parce qu’on l’a au fond de soi-même, sinon comment peut-on s’étonner de voir des gens s’enrichir licitement en douze ans alors qu’on s’est soi-même enrichi de façon « supersonique », en huit ans seulement ? Pourquoi la notion d’enrichissement illicite devrait-elle n’être opérationnelle que pour les dix dernières années ? » Argument à l’appui, l’auteur sonne le tocsin et démontre que le problème avec la Cour de répression de l’enrichissement illicite ce n’est pas seulement son caractère fondamentalement contraire à l’esprit de la Constitution, mais que dans sa démarche, elle semble s’inscrire dans une dynamique ségrégationniste. Comme quoi, la loi doit être impersonnelle et avoir une portée générale. Dès qu’une loi commence à s’ajuster aux conjonctures et aux intérêts politiques, elle se dénature et prépare la décadence de la société ».


L’ancien Ministre d’Etat Cheikh Tidiane Sy qui a assuré la préface d’écrire : « Le mérite de l’auteur, un intellectuel respecté par ses pairs, est d’avoir osé poser un débat qui devait faire l’objet d’une délibération nationale, mais qu’on a trop vite clôt avec des déclarations du genre : « ceux qui n’ont rien à se reprocher ne sont pas contre cette Cour ». Cette sentence est trop catégorique et nous force à soupçonner ses auteurs de refuser le débat parce qu’ils n’ont peut-être pas les moyens de le soutenir. Et pourtant c’est dans le débat d’idées, et surtout dans sa qualité, que se joue en partie le destin de notre pays. En effet, la conscience citoyenne a besoin d’être éduquée pour ne pas sombrer dans la culture de l’invective et de la violence latente ou même patente. Plus les idées s’affrontent dans l’espace public, plus les comportements sont civilisés et les mœurs politiques apaisées. C’est l’absence de débat civilisé qui génère les heurts et les affrontements » « Le Sénégal dispose de suffisamment d’instruments juridiques pour dépister et sanctionner toute forme de corruption et de concussion, la création de la CREI est soit un aveu de faiblesse de notre justice, soit une preuve d’instrumentalisation de celle-ci. Cette juridiction d’exception créée spécialement pour établir la culpabilité d’adversaires vaincus est sans aucun doute une absurdité, mais le plus grave est qu’elle traduit un recul de notre démocratie ». Le Ministre d’Etat Cheikh Tidiane de conclure en ces termes : « ce n’est pas parce que les autres sont rabaissés qu’on n’est grand. Ne faut-il pas, dès lors, méditer la parole du Seigneur quand Il dit « Alaysa Allaahu bi’ahkami al haakimiina » (s.95, v.8).


Résumé chapitre 1 : CREI : Atavisme politique ou exigence institutionnelle ? La CREI de Diouf à Macky Sall : la similitude des contextes


« Le génie des grands artistes comme celui des hommes d’État est inexorablement parasité, voire perverti par ces facteurs incontrôlables que sont le contexte historique, la culture, l’opinion et la subjectivité humaine. C’est précisément ce qui fait qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite : nous ne créons jamais ex nihil, il y a toujours des motivations objectives et/ou subjectives derrières nos actions. La Crei est assurément une illustration de ce principe, car de l’ex Président du Sénégal, Abdou Diouf qui en est le géniteur au Président Macky qui l’a récemment réactivée, la Crei est prisonnière d’un contexte politique et de facteurs humains qui en corrompent le sens et en atténuent la portée. Et l’auteur d’ajouter : Et autant le mythe d’un Abdou Diouf technocrate froid et peu attaché aux biens matériels contraste nettement avec les accusations qui portent sur Macky Sall. Sur ce point donc, il n’y a pas de doute que Diouf était dans une posture plus aisée que Macky Sall aujourd’hui. En plus de l’image inadéquate que renvoie la fortune du Président, le problème de la constitutionnalité de la loi sur l’enrichissement illicite reste une aporie juridique et politique. Ceux-là même qui font aujourd’hui l’apologie de cette Cour en sont les plus irréductibles contempteurs : ils sont dans la presse et dans la classe politique. Nul ne peut occulter le fait que l’avocat le plus célèbre contre cette Cour à l’époque est aujourd’hui dans le camp du Président Macky Sall».


« Aujourd’hui par contre, le matraquage médiatique dont les membres de cette Cour et les mis en cause font l’objet est absolument incomparable à la couverture médiatique de celle-ci à l’époque de Diouf. Un autre facteur qui vient s’ajouter à ce gigantesque magma politico-médiatique : on a fait de la traque des biens mal acquis une promesse de campagne. Le problème avec une telle promesse c’est qu’on est obligé de trouver ces biens supposés mal acquis pour satisfaire une demande sociale qu’on a contribué à construire. Ne pas trouver ces biens mal acquis est aujourd’hui une probabilité non envisageable, car l’opinion publique ne le supporterait pas. Diouf n’était certainement dans cette délicate posture, car il n’avait rien promis à personne là où Macky et ses alliés ont fait l’essentiel de leur campagne sur l’évidence de la culpabilité des mis en cause, sur la nécessité de rapatrier ces fonds et sur l’exemplarité des sanctions. On entend souvent dire que « Macky ne peut plus reculer » : cette affirmation cache mal une mise en garde ! Il semble que ce qu’on murmure derrière cette affirmation c’est une pression coercitive : « Macky ne peut pas ne pas trouver de coupables d’enrichissement illicite ». Et la preuve de cette assertion est justement deux faits : premièrement, il faisait partie du régime incriminé et deuxièmement il est lui-même riche d’après le contenu de sa déclaration de patrimoine.


Résumé chapitre 2 : La CREI entre légalité et légitimité :
Le dialogue compliqué entre la morale et le droit positif.



« L’insolente richesse dont font montre certains parmi les principaux incriminés aidant, leur condamnation sur le plan moral est presque une évidence dès qu’il y a le moindre soupçon d’indélicatesse dans leur gestion du pouvoir ».


« Il suffit simplement de se poser la question de savoir ce que serait la situation politique actuelle si l’opposition n’était pas obligée de se débattre dans les arcanes précaires de la déculpabilisation auprès de l’opinion ? Qu’ils soient coupables ou pas, que la procédure à laquelle ils sont soumis soit constitutionnellement valable ou pas, les enquêtes qui visent les opposants de Macky Sall les fragilisent et les incommodent. Assommés par la perte du pouvoir, les voilà encore sous la pesanteur de la vindicte populaire alimentée par l’incroyable abondance des procès d’audition dans la presse. De tenants du pouvoir, ils sont passés directement à la dégradante station de parias rejetés et persécutés par une société avide de coupables pour, à la fois, justifier sa misère et assouvir sa soif de vengeance. Il faut reconnaître qu’il est plus aisé de gouverner face à une telle opposition que face à celle qui jouirait au moins de la présomption d’innocence dans la conscience populaire ».


« Ceux qui se sont imposés comme les champions de l’éthique et de la bonne gouvernance ont vendu aux Sénégalais la séduisante théorie selon quelle « leur misère était due à un système de prédation économique et financière établi par les vaincus et que justice sera faite ». Et comme « la meilleure façon d’imposer une idée aux hommes c’est de leur faire croire qu’elle vient d’eux », le peuple s’identifie à de telles idées au aux jugements ya afférents. Le Sénégalais est effectivement de justice sociale, d’éthique et de bonne gouvernance : c’est une certitude. Mais c’est quoi la justice sociale, l’éthique la bonne gouvernance ? La justice sociale se résume désormais dans la conscience de quelques Sénégalais à la culpabilisation automatique de la richesse. L’éthique politique et la bonne gouvernance y sont maintenant synonymes de traque des « biens mal acquis », d’audits, d’audition et de fausse transparence par les services d’une presse lauréate d’un quatrième pouvoir dont la relation avec les autres pouvoirs est plus que suspecte. La promptitude à chasser des biens « mal acquis » avant même que leur existence ne soit formellement établie est plus que suspecte. Car à moins de disposer de services secrets parallèles à ceux de la république, comment peut-on, en si peu de temps (cinq mois seulement après l’accession au pouvoir) être informé de l’existence de toutes ces planques d’argent détourné ? Comment un État qui se respecte peut-il ameuter tout un peuple et mobiliser aussi bien les institutions de la république que ses moyens sur la base de simples révélations de particuliers ? Comment une république peut-elle se permettre de devenir l’appendice flasque et sans vie d’une société civile sous le prétexte d’une synergie nationale contre les « biens mal acquis » ? La bonne gouvernance n’est pas un vain mot, c’est une pratique reposant sur des valeurs objectives qui doivent être institutionnalisées. Les connivences et les sociétés secrètes ont toujours été les pires ennemis de la république, celle-ci est par nature réfractaire à toute forme de combines souterraines. ».


« La liberté des hommes est sacrée, elle ne saurait chanceler au gré des arbitraires de ceux qui sont au pouvoir. On nom de quoi les citoyens devraient laisser des lobbies influencer la marche de la justice de leur pays et déterminer dans l’informel ceux qui ont le droit à la parole et ce qui n’en sont pas dignes ? L’enthousiasme à propos des auditions et le quasi délire républicain qu’elles occasionnent dans les rangs des vainqueurs et de leurs collaborateurs dans la société civile pourrait bien mal finir. Que personne ne soit surpris de voir certains se braquer sur la justice pour la jeter en pâture en l’accusant d’incompétence. Et l’avenir éclairera le passé, car cette même justice qu’on vouait, il n’y a guère longtemps, aux gémonies parce qu’on la croyait opposée à un combat politique, sera de nouveau la cible des mêmes personnes qui la magnifient aujourd’hui. On comprendra pourquoi notre pays est si difficile à gouverner : « une république est difficile à gouverner, lorsque chacun envie ou méprise l’autorité qu’il n’exerce pas », disait très justement Saint-Just à ce propos ».


Dernier chapitre


Le Juge en démocratie d’opinion : Entre « vérité médiatique et « intime conviction »


« Tout juge qui nourrit une ambition secrète de faire la mutation politique ou d’avoir une promotion quelconque pourrait être tenté de trouver dans la presse un instrument de légitimation et de promotion. Mais le pire n’est pas là ; le pire c’est que la presse peut jouer avec la magistrature le même jeu dangereux qu’elle joue avec les politiques : à savoir l’endoctrinement. Quand un homme politique évoque le peuple et s’égosille au nom du peuple, c’est le plus souvent pour faire passer ses propres convictions voire ses bas intérêts : l’endoctrinement en démocratie consiste à faire croire aux autres qu’on défend leurs idées et leurs intérêts. Or à ce jeu excelle le couple politique-média : légitimation infinie, manipulation infinie et encerclement total du citoyen.


Un juge aussi peut facilement se laisser enrôler dans ce jeu de dupes qu’on fait avec le peuple, en cherchant absolution et nature immaculée auprès du peuple contrôlé par les médias. La présence constante du juge dans les médias peut dès lors être une entreprise discrète de dédouanement, de mystification et de promotion, ce qui est contraire à toute forme d’éthique et de déontologie chez lui. Le tout-médiatique qui caractérise la démocratie d’opinion est donc présentement investi par les juges, sans qu’on ne sache vraiment ce qui justifie ce besoin subit de communication outrancière. Il y a assurément là un problème non encore élucidé, car communiquer les décisions de justice est tout à fait à l’honneur des juges et c’est même une exigence de transparence en démocratie.


En revanche, étaler sur la place publique des énigmes judiciaires non encore élucidées, sortir de son cabinet pour suivre les politiques dans leur jeu favori de délation et de contre-délation à travers la presse, c’est assurément une entreprise indigne d’un juge et totalement en contradiction avec les principes et les valeurs qui régissent sa corporation. La presse a fini d’investir et d’avoir une grande emprise sur les politiques (députés, ministres, sénateurs, Président, se bousculent dans les médias pour parfaire leur image ou pour se faire la guerre) : il faut donc préserver la justice des convulsions propagandistes du pouvoir de la presse.







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