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Repenser et construire une nouvelle gouvernance mondiale

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Gustavo Marin

L250xH249_arton733-da2f8 Repenser et construire une nouvelle gouvernance mondiale

Sommaire

Repenser la gouvernance mondiale

Les acteurs, leurs relations, leurs contradictions

Conditions essentielles pour une nouvelle gouvernance

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Repenser la gouvernance mondiale

Pour repenser l’architecture actuelle de la gouvernance mondiale et proposer des alternatives pour une nouvelle architecture, il faut identifier les acteurs et les espaces qui sont déjà en train de la configurer.

Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit de processus et non seulement d’institutions. Tout espace politique de pouvoir, de participation, de représentation est un espace de lutte, de rapports en tension, autant les espaces existants que ceux qu’il faudra créer, car ils seront à leur tour des espaces en dispute.

Pour cette raison, il faut prendre soin de questionner les concepts, voire même les mots que l’on utilise, tels qu’architecture ou gouvernance, car ils peuvent donner l’impression que l’on parle d’univers statiques et en équilibre. Au contraire, l’architecture de la gouvernance est un ensemble complexe, dynamique, contradictoire d’espaces, d’institutions et d’imaginaires où de multiples acteurs se disputent dans des rapports de force en changement perpétuel. Dans ces disputes, les idées (les mots) et les mobilisations d’acteurs sociaux interagissent et se nourrissent réciproquement, et ensemble, jouent un rôle d’alimentation de la dynamique des changements.

En outre, pour cette raison, il faut garder à l’esprit que quel que soit le schéma de gouvernance, il y a deux plans : l’institutionnel et celui d’autres facteurs et rapports de force qui opèrent au-delà des institutions qui ne sont qu’une partie (variable selon le cas) du pouvoir. Cela ne veut pas dire que les institutions ne sont pas des instances de « vrai » pouvoir : elles le sont aussi, selon la situation concrète, et bien qu’elles ne représentent qu’une dimension du vrai pouvoir, elles sont également des espaces en dispute.

La nouvelle architecture politique se construit simultanément à deux grandes échelles : la locale, celle du territoire (les États correspondent également à cette échelle locale, aussi divers qu’ils soient), et la mondiale, qui renvoie non seulement à l’interétatique, mais aussi et surtout aux nouveaux espaces transnationaux et mondiaux.

Il y a deux « moteurs dans les processus de construction de la » gouvernance. C’est à l’échelle locale que se joue la vie quotidienne des uns et des autres, et c’est à l’échelle mondiale que, de plus en plus, se décident les politiques qui affecteront cette vie quotidienne. L’échelle des phénomènes grandit sans arrêt : migrations, pandémies, crises climatiques, crises financières… Mais le territoire, le local, la démocratie de proximité reste la base à partir de laquelle on pourra construire une nouvelle architecture de la gouvernance. Néanmoins, la dimension mondiale, en cette époque de mondialisation de plus en plus accélérée des flux financiers et commerciaux, de circulation de l’information et des personnes, conditionne la vie quotidienne au niveau local. Pour cette raison, il faut proposer et concrétiser des changements de gouvernance à l’échelle locale en même temps qu’à l’échelle mondiale. Il existe un rapport dialectique entre ces deux grandes dimensions de la gouvernance.

Il existe en plus une dimension intermédiaire. Entre le local et le mondial se trouve le régional. Cet espace prend forme progressivement et les organismes continentaux jouent également un rôle important dans l’architecture de la gouvernance. En général, ces organismes régionaux reproduisent des schémas de régulation qui répondent aux intérêts des grands États et entreprises ; ils constituent néanmoins eux aussi des espaces en dispute. C’est pour cela qu’il faut revendiquer les espaces régionaux comme des moyens pour renforcer les articulations des territoires, organisations et acteurs sociaux qui cherchent à se renforcer face aux pouvoirs étatiques et aux entreprises transnationales. Ces espaces s’interposent entre le local, y compris le pays-État, et le mondial en montrant un chemin de passage vers l’architecture proprement mondiale de l’avenir. Il faut par conséquent repenser les espaces et les structures de la gouvernance à l’échelle régionale.

Les questions clés qui peuvent nous orienter sont : quelles alternatives pour construire une nouvelle architecture de la gouvernance ? et comment les construire ?(haut)

Les acteurs, leurs relations, leurs contradictions

1. Les transnationales

Ce sont elles les acteurs qui se déploient principalement à l’échelle mondiale. Les entreprises financières, industrielles, commerciales, de l’information et des technologies sont celles qui configurent le modèle non seulement de production et de consommation mais aussi le mode de vie et la civilisation qui sont à la base des crises actuelles. Face aux transnationales il ne s’agit donc pas de se limiter à proposer une régulation. Il faut mettre en uvre un contrôle citoyen et démocratique. Mais étant donné l’énorme oe pouvoir qu’elles ont accumulé, il est impossible qu’un seul acteur puisse exercer ce contrôle. Il faut un contrôle de l’État à l’échelle nationale, de l’ONU à l’échelle internationale, ainsi que des acteurs sociaux à l’échelle des territoires. Il existe par ailleurs des relations fluides entre les transnationales et les États, surtout des grands pouvoirs. Le Forum de Davos, par exemple, constitue un espace qui depuis plusieurs années crée des articulations entre les transnationales et les instances gouvernementales.

Pour réussir un contrôle efficace des transnationales, la clé est donc l’articulation entre tous ces acteurs. Mais dans ce contexte, les forums multi-stakeholders ne doivent pas être des instances de légitimation du pouvoir des transnationales. Il faut inventer et construire des structures qui articulent les institutions et les organisations du local au mondial, qui permettent de contrôler effectivement le pouvoir des transnationales. Lorsque l’on prétend mettre en uvre des régulations, les questions de légitimité et de oe crédibilité deviennent centrales. En ce sens, une question fondamentale reste en suspens : la construction d’un droit international dont le pouvoir soit suffisant pour être contraignant, car s’il le droit international existe bien, il lui manque dans les faits ce pouvoir suffisant. (haut)

2. L’État

L’État comme entité régulatrice et organisatrice de la société, au-delà de ses limites, subit les attaques de pouvoirs transnationaux cachés économiques et politiques cherchant à le diminuer, alors que les peuples continuent à le voir et à le défendre comme un instrument de régulation de ces pouvoirs qui garantie les droits citoyens. Par conséquent, il ne convient pas de promouvoir des propositions antiétatiques. Un État qui respecte les droits des citoyens est une condition de l’institutionnalité démocratique du pouvoir. Néanmoins, il faut repenser la notion de l’État-nation dans un territoire donné. Les flux migratoires, commerciaux, de l’internet, etc. dépassent les limites territoriales des États et il faut penser à une déterritorialisation du rôle de l’État, une tâche difficile au vu du poids historique des frontières. L’État joue aujourd’hui un rôle ambivalent. Il est nécessaire avant tout pour la régulation de la gouvernance dans l’espace national, mais même là il s’éloigne de la démocratie de proximité et, à l’échelle mondiale, ce n’est pas le moyen qui convienne le mieux pour répondre aux défis mondiaux. Les États sont aussi des institutions en dispute et il faut les orienter vers une gouvernance démocratique et efficace. En tout cas, et vue dans une perspective à moyen et à long terme, la forme de l’État, qui a joué un rôle important par exemple pendant la phase de décolonisation, se dilue déjà et il est indispensable de penser à sa transformation.

→ Dans la dialectique entre la Société et l’État, la question de la participation et la représentation est centrale. On sait que les systèmes de représentation ne correspondent pas aux exigences d’une participation active. La priorité est de favoriser la participation en mettant en oeuvre des systèmes d’information transparents et des mécanismes de consultation ouverts pour assurer une prise de décisions efficace.

Ainsi, en repensant de nouvelles institutions politiques, l’État et les systèmes de représentation se transformeront progressivement. Cela représente un défi historique, puisque nous assistons à une crise de la légitimité des élites. La crise de la démocratie actuelle est avant tout un remise en question des élites et de la manière dont elles se sont construites au fil de l’histoire. Les mouvements de protestation dans plusieurs pays contre le système des partis politiques sont avant tout l’expression de la remise en question des élites. Mais au-delà de ces remises en question, ce qu’il nous faut c’est d’inventer de nouveaux systèmes d’organisation des systèmes politiques dont les principaux protagonistes seraient les citoyens, permettant ainsi d’approfondir la démocratie, les responsables seraient légitimes et les institutions seraient transparentes et efficaces. Il ne s’agit pas seulement d’une question de génie politique. Il s’agit de quelque chose de plus profond, lié aux fondements éthiques capables de nourrir les nouveaux modes de vie en société dans des civilisations qui soutiennent la vie et la durabilité de la planète qu’il faut en ces débuts du troisième millénaire.(haut)

→ Le rôle de l’ONU

Face à l’ONU, trois visions sont possibles :

• l’une affirme que l’ONU est ce que l’on a déjà, qu’il ne faut pas trop la critiquer et que ce qui conviendrait le mieux serait de la réformer en récupérant le rôle qu’elle avait joué, par exemple, à l’époque de la décolonisation après la seconde guerre mondiale du 20ème siècle ;

• une autre vision constate que l’ONU ne répond pas aux défis actuels, que cela ne vaut pas la peine d’essayer de la réformer et qu’avec elle, on arrivera à rien ;

• une troisième postule que, bien que l’ONU ne réussisse pas à affronter les problèmes actuels de manière efficace, il ne convient pas de la laisser de côté et qu’il est nécessaire de soutenir les efforts de la réformer pour la rendre plus démocratique, sans prétendre à une transformation rapide des institutions interétatiques. En ce sens, tout ce qui vise à augmenter les espaces de la société civile dans le système de l’ONU en renforçant ou en créant de nouvelles instances de participation pour les ONG en soulignant leur rôle dans la prise des décisions, audelà de la simple consultation, tout ce que l’on peut faire pour avancer dans la réforme du Conseil de Sécurité, en supprimant le système du veto, sera positif.

En tout cas, l’ONU, à l’instar des États, précisément parce qu’il s’agit d’une structure interétatique, fait partie de ce qui commence à vieillir et il faut construire de nouvelles institutions qui renouvellent l’architecture de la gouvernance mondiale.

Dans ce contexte, l’ONU aussi est un espace de dispute. Dans l’espace des grands organismes qui tentent actuellement de réguler la gouvernance mondiale, il y a deux grands groupes d’acteurs :

• les ensembles géopolitiques les G8, G20, OCDE et BRIC qui – – s’auto-attribuent le pouvoir et sont les acteurs les plus puissants, sans que tous suivent les mêmes politiques face aux crises actuelles ;

• the UN and inter-governmental conferences.

Les groupes géopolitiques, principalement le G8, soutenu selon les cas par le FMI et l’OTAN, délégitiment le rôle de l’ONU et imposent leurs politiques au niveau mondial. Néanmoins, la profondeur des crises et leur rythme récurrent montrent l’incapacité de ces acteurs à les surmonter. C’est pour cela que les espaces et les occasions pour construire une nouvelle architecture de la gouvernance mondiale restent en vigueur à condition que les citoyens, les peuples, leurs organisations, leurs mouvements et leurs réseaux soient capables de les disputer et d’en bénéficier. C’est là, sans aucun doute, que réside un des défis les plus exigeants de l’époque actuelle.(haut)

→ la Chine

Parmi les grands acteurs, la Chine mérite une mention spéciale. Il faut repenser l’architecture d’une nouvelle gouvernance mondiale à cause de ce qui se passe en Chine et au regard de la place que la Chine occupe dans l’espace mondial. Nous nous trouvons devant un géant qui est en train de générer une nouvelle dynamique à caractère expansionniste et qui en même temps se base sur un système économique et politique de grande injustice. Certains ouvriers, principalement des migrants, y vivent dans des conditions d’exploitation extrême. Les changements dans ce pays sont très rapides et certains Chinois manifestent un sentiment contradictoire du fait qu’ils ne peuvent pas les affronter ou les orienter vers un système différent de celui basé sur l’exploitation et l’oppression de son propre peuple, ainsi que d’autres peuples et des richesses d’autres régions.

Les Chinois, conscients des engrenages pervers que porte en lui le modèle de croissance capitaliste autoritaire dans lequel ils sont immergés et de son impact sur les autres régions du monde, font des efforts pour diminuer la pollution et l’effet de serre (en appliquant dans leurs politiques économiques des mécanismes tels que l’écologie circulaire ou l’écologie industrielle). D’un autre côté, de son propre point de vue, la Chine n’a pas une marge de man uvre absolue pour prendre des décisions car elle est obligée de oe prendre en compte les autres gouvernements ; par exemple, quand elle voulait réduire sa production de carbone polluant, les pays européens et nord-américains ont exigé le maintien des quotas dont ils avaient besoin de la Chine, au risque d’aggraver les problèmes énergétiques et environnementaux. Il y a là une responsabilité de ceux qui attendent et exigent de la Chine un comportement économique et financier déterminé. En tout cas, la stabilité et la croissance de la Chine n’est pas uniquement une question économique, c’est une question vitale pour la stabilité du système de ce pays-continent.

Un autre processus qui se développe fortement, non seulement en Chine et en Asie, mais aussi dans d’autres régions du sud de la planète, est la forte et imparable croissance des villes. La tendance montre que la population de la planète sera majoritairement urbaine et que la majorité des grandes villes se trouveront en Chine et en Asie. Le défi est alors de développer des politiques territoriales, non seulement dans les espaces ruraux (qui restent importants, même en Chine, en Inde et dans plusieurs pays du sud), mais aussi dans les espaces urbains afin de construire et de reconstruire des villes durables avec de nouveaux systèmes de transport, de construction écologique du logement, avec des relations fluides entre les lieux de travail et de résidence et, surtout, qui favorisent les relations d’échange entre les habitants et les voisins.

Dans ces processus macroéconomiques et géopolitiques qui semblent dépasser les efforts d’un dialogue fructueux entre les peuples, dans les échanges entre les Chinois et les citoyens d’autres régions, ce qui nous sépare ce ne sont pas les identités culturelles mais les politiques expansionnistes de ceux qui détiennent le pouvoir. Susciter et organiser des dialogues directs entre citoyens chinois et citoyens du monde est par conséquent une proposition clé pour concevoir et construire une nouvelle gouvernance sociale, politique et interculturelle qui ouvre progressivement des espaces pour de nouvelles voix et de nouveaux piliers d’une architecture solidaire de la gouvernance.(haut)

3. Les personnes, les communautés, la société civile et un nouveau rapport avec la nature

Un troisième acteur dans l’architecture de la gouvernance correspond à un ensemble complexe de sujets divers où s’articulent, pas toujours de manière harmonieuse (et au contraire souvent conflictuelle), les personnes, les communautés, les organisations de la dénommée société civile et la nature, conçue également comme sujet.

Quand on parle d’acteurs de la gouvernance, on pense habituellement à un triangle : État – Société Civile – Entreprise. Il est nécessaire d’ajouter un quatrième angle : celui de la communauté, qui n’est pas la même chose que la société civile.

Communauté renvoie principalement à la notion d’identité, tandis que société civile renvoie principalement à la notion de citoyenneté. Il faut alors repenser la relation entre communauté et société civile pour construire des alliances et mettre au jour les désaccords, par exemple entre les droits des femmes et les logiques communautaires qui ne correspondent pas forcément à ces droits.

Ce champ n’est pas très bien délimité. Il mérite des analyses plus fines et profondes de chaque sujet, ses différences et ses interdépendances. Dans ce champ, il faut se demander :

Quel pouvoir pour ces acteurs ? Quels droits ? Quelles responsabilités ? Quelle représentativité ? Quelles alliances possibles entre eux ? (haut)

4. Les territoires

Nous assistons à la « revanche des territoires, oubliés jusqu’à il y » a peu de temps dans les engrenages macroéconomiques et macro-politiques de l’architecture du pouvoir mondial. Il est évident aujourd’hui que la nouvelle architecture de la gouvernance doit passer par une revalorisation des territoires. Mais leurs contours restent encore incertains : où se trouve le territoire ? dans le quartier ? l’arrondissement ? Quelle est la dimension des territoires urbains, des localités rurales ? Le pays est-il un territoire, quelle que soit sa superficie ? Existe-t-il territoires continentaux, tels que l’Europe, l’Amérique du sud, etc. ? Après tout, le monde entier ne serait-il pas un territoire ?

En tout cas, il existe déjà quelques réponses pertinentes. Il s’agit d’articuler les échelles et les niveaux de gouvernance, sachant qu’il ne s’agit pas de forcer les relations en prétendant que les relations entre les différents niveaux sont nécessairement harmonieuses. Les tensions entre les niveaux sont souvent plus importantes que les articulations. La subsidiarité active n’est pas un principe automatique. Il est nécessaire de la construire par le moyen des instances de dispute mais aussi de consensus.

Il convient de souligner ici un pilier fondamental de la nouvelle architecture du pouvoir mondial. Il s’agit de localiser et de territorialiser au maximum possible l’économie et le pouvoir puisque la citoyenneté se réalise pleinement dans un territoire citoyen. C’est en prenant pour base l’interdépendance du local et du mondial que le principe de subsidiarité est fondamental. Prenons par exemple la problématique climatique. Il s’agit clairement d’une problématique planétaire qui nécessite une gouvernance mondiale. Mais cette dernière ne fonctionnera pas sans un engagement effectif de la citoyenneté dans ses territoires. Ainsi, le territoire est l’unité spécifique du rapport entre la société et la nature ; c’est là que l’on peut réaliser une symbiose où s’exprime socialement la durabilité de la planète étant donnée la diversité complexe de la nature elle-même.

Ce qui est clair est que la construction d’une nouvelle architecture doit privilégier les mécanismes du bas vers le haut, sans prendre pour acquis que les groupements régionaux existants comme Mercosur, l’ASEAN, l’Union européenne, l’Union africaine, Unasur, etc., construits principalement sur des accords interétatiques, sont les formes définitives de régulation des accords régionaux commerciaux ou politiques. Les forums sociaux et les assemblées citoyennes, par exemples, constituent des formes d’articulation entre territoires aux échelles locales, à l’intérieur des pays, et aux échelles régionales, sous-continentales voire même multirégionales ou multi-continentales. Néanmoins, une articulation des territoires, des sociétés civiles, des communautés et des personnes à l’échelle mondiale reste encore un horizon que l’on entrevoit, mais qui se situe au-delà des réussites de ces dernières décennies des dynamiques citoyennes dans diverses régions du monde. Les tâches nécessaires pour renforcer la construction sociale des territoires et les démocratiser restent d’actualité. (haut)

5. Les pouvoirs cachés

Dans les efforts de construction d’une nouvelle architecture de la gouvernance il ne faut pas oublier les pouvoirs cachés, à savoir, ceux qui ne sont ni légaux ni légitimes ou qui agissent en dehors de leur légalité et légitimité et envahissent les autres espaces, tels que le crime organisé et les réseaux de trafic de stupéfiants, d’armes et de personnes. D’autres pouvoirs cachés pèsent lourdement sur les rapports de pouvoir comme les médias, souvent liés aux entreprises transnationales et à des institutions à caractère idéologique.

Les pouvoirs cachés constituent également un univers complexe avec des ramifications économiques, sociales et militaires qui conditionnent les processus de construction d’une architecture durable et responsable de la gouvernance. Quand les instances démocratiques de régulation sont fragiles, le pouvoir des pouvoirs cachés grandit. Dévoiler, neutraliser, réguler, abolir ces pouvoirs cachés, tout cela doit aussi faire l’objet d’une tâche située explicitement dans les priorités de la construction d’une gouvernance mondiale responsable et solidaire. Autrement, ces tentatives seront constamment sabotées par les pratiques antidémocratiques, corrompues et criminelles de ces pouvoirs.

Il faut accompagner le processus de construction d’une nouvelle gouvernance avec un processus conduisant à une société démilitarisée. Le militarisme est propre au système patriarcal et ne doit pas régir les relations entre les États et les peuples. Mais face à l’aggravation des crises actuelles et dans les périodes de changement de civilisation, les guerres et les oppressions endommagent irréparablement la vie et la planète. Pour cette raison, dans le processus de transition vers des sociétés démilitarisées, il faut mettre en uvre des mécanismes de réforme des forces armées et de sécurité oe des peuples, qui sont les premières victimes dans les conflits.(haut)

Conditions essentielles pour une nouvelle gouvernance

Construire une nouvelle gouvernance n’est pas seulement une question institutionnelle ou de réflexion qui renvoie aux champs de la politique ou de la sociologie. Toute proposition et conception de gouvernance dépendra de l’action et la mobilisation de larges majorités de personnes, d’acteurs, de mouvements et de peuples. C’est elle, la question décisive. Et dans cette action et mobilisation, les idées et les propositions jouent un rôle clé. C’est pour cette raison qu’il faut repenser l’architecture de la gouvernance en l’intégrant dans la perspective d’une biocivilisation pour la durabilité de la vie et de la planète. L’architecture d’une gouvernance citoyenne, solidaire et juste doit reposer sur des piliers éthiques et philosophiques solides. Elle doit aussi s’appuyer, et en retour rendre possible, une nouvelle économie orientée sur une justice sociale et environnementale. En tout cas, il faut inventer ensemble les réponses aux défis du présent à partir de notre enracinement dans chacun de nos contextes, dans chacun de ceux des peuples. Cela implique de reconnaître les différentes sagesses présentes dans tous les continents, chez tous les peuples, sans prétendre à ce que l’une d’entre elles soit la référence indiscutable. Il faut formuler les fondements d’une nouvelle gouvernance dans un esprit critique et démocratique.

Pour cette raison, entre autres propositions pour avancer dans le processus de transition historique dans laquelle nous sommes immergés, il faut :

• concrétiser des changements profonds dans l’éducation, une éducation qui éduque à une nouvelle démocratie et une nouvelle relation entre la société et la nature ;

• promouvoir une éducation aux droits et aux responsabilités ;

• promouvoir la culture et l’économie du soin afin de repenser la politique, combattre la domination patriarcale et promouvoir l’équité dans les relations entre les sexes, une division et une distribution du travail justes et socialement utiles, une nouvelle économie centrée sur les biens communs ;

• assumer la régulation des sciences et des technologies et permettre leur démocratisation et leur contrôle populaire et citoyen en tant que bien commun ;

• récupérer, valoriser et rendre visibles les expériences porteuses d’alternatives qui sont déjà en cours, surtout dans les territoires locaux, urbains et ruraux, en recherchant les conditions de leur multiplication et de leur élargissement ;

• susciter la démocratisation de l’information et de la communication comme une condition de base nécessaire pour radicaliser la démocratie ;

• favoriser la capacité de participation en combinant l’information, la consultation et la capacité de décision pour que les espaces de participation puissent former des mécanismes de changement de l’État et des représentations. Dans les luttes pour la transformation des systèmes politiques, comme par exemple celle des « indignés , des mouvements sociaux en Tunisie et en » Égypte, du mouvement des étudiants au Chili, la composante mobilisatrice et critique inclut et dépasse les acteurs traditionnels –syndicats, partis et autres – et trouve comme acteur fondamental la personne, qui cherche à agir en tant que personne mobilisée et critique dans une vaste conjonction avec des milliers d’autres.

• lier la transformation personnelle et les transformations collectives. La démocratisation n’est possible que si elle s’enracine dans les manières de penser, de sentir et d’agir de chacun. Réciproquement, les changements dans les processus et les institutions peuvent consolider les changements personnels. Il y a alors aussi une relation dialectique entre la transformation personnelle et les transformations collectives. (haut)

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