Le grand quotidien italien « La Stampa » dans son édition en ligne du 9 avril, épingle le continent africain. Sous le titre « Voyage dans la corruption africaine », il tacle une Afrique malade de corruption : « En Afrique, la corruption est plus répandue que la Malaria ». Cette info fait couler beaucoup d’encre dans les milieux africains des Etats-Unis et a été reprise par un quotidien New-yorkais. La critique est d’autant plus amère qu’elle vient d’un pays qui possède sa propre logique en matière d’orthodoxie financière, qui fait le plus souvent intervenir la mafia.
Et pourtant, l’ampleur de la corruption sur le continent noir est connue de tous. Par le passé, l’organisation internationale Transparency International avait déjà épinglé le Cameroun, considéré comme le pays le plus corrompu du monde. Les spécialistes en développement s’accordent même à dire que le plus grand mal qui ronge l’Afrique et freine son développement, c’est la corruption. Mais que la « leçon de morale » vienne de l’Italie et que cette corruption soit comparée à la malaria qui tue malheureusement chaque année près d’un million de personnes en Afrique, voilà un grand pas qu’il aurait mieux valu ne pas franchir dans l’intérêt de tous.
Le quotidien turinois ne manque en effet pas de souligner que l’Afrique a battu tous les records. La corruption frappe de nombreux secteurs, de l’administration publique, de loin la plus touchée, au simple geste habituel des individus. Tous sont habitués au gain facile où le mécanisme de versement de pots-de-vin est ancré dans les mentalités.
Des gestes quotidiens contraints par la corruption
D’ailleurs, la corruption s’est même métamorphosée d’un endroit à un autre, chaque pays y va de sa propre formule. Au Kenya, les agents du parking de Nairobi portant pourtant des chemises avec mention « Corruption is Evil », préfèrent les « soda money » pour s’acheter à boire. Inutile de demander aux usagers de payer le parking pour leur voiture. Au Congo c’est l’expression « quelque chose de sucré » qui vous est avancée pour vous réclamer quelques pièces de monnaie. En Sierra Leone, le sourire et la gentillesse de l’agent qui vous rend un service et qui est payé pour ça, se terminent par « don’t forget your friend ». Au Cameroun c’est l’expression bien connue « Tchoko » qui vous accueille au moindre geste. Là-bas, il faut le « Tchoko » pour le policier à chaque contrôle, pour abattre un arbre, entrer à l’université, accoucher dans un hôpital ou être hospitalisé, etc. Même pour un corps dans une morgue il faut le « Tchoko », sans ce dernier, votre défunt est dépouillé de ses habits et bijoux. Parfois, le corps est même vendu dans les réseaux de trafic mafieux.
Au Nigeria, un des pays les plus corrompus de la planète, la corruption règne à chaque échelon de la société. 95% des recettes nationales proviennent du secteur pétrolier, mais seulement 10% reviennent à la population. Là-bas, on négocie tout, y compris l’air. Corrupteurs et corrompus s’accommodent dans un tour de passe-passe, avec la bénédiction des « donneurs de leçons » européens jouant de la complicité de grands groupes occidentaux comme le Français Technip ou le Hollandais Shell.
La corruption des dirigeants affecte les conditions de vie de tous
Comme disent les Chinois, « le poisson pourrit par la tête » : ex-présidents de la République, ministres et ex-ministres, sénateurs et gouverneurs de région sont régulièrement épinglés pour détournement de fonds publics et délits de corruption.
Au Gabon, Bongo fils a bien du mal à se défaire du procès de biens mal acquis intenté en France à l’encontre de son défunt père à qui il a succédé. Sans oublié que Sassou Nguesso et Obiang Nguema Bazogo sont eux-aussi épinglés dans cette même affaire. Alors que Libreville est considérée comme la « Miami à la peau d’Ebène » où Night Clubs, Casinos et hôtels cinq étoiles longent les bords de l’océan Atlantique, la ville n’a pas d’hôpital de référence. Rien de surprenant donc si Bongo père a choisi une clinique privée en Espagne pour se soigner et… aller mourir.
Et là, c’est une constance pour les dictateurs africains. Gnassingbé Eyadema après sa crise cardiaque prit la direction d’Israël pour…. aller mourir. Julius Nyerere avait quant à lui choisi Londres pour se soigner et… aller mourir. Tout comme Sékou Touré qui, en son temps, se réfugia à Cleveland pour… aller mourir.
Mais c’est à Paul Biya que notre confrère italien Lorenzo Cairoli donne un conseil. Au lieu de faire « construire au nom de sa femme une clinique privée sybarite en Allemagne », ne serait-il pas temps qu’il en fasse construire une pour ses concitoyens ? Et peut-être que cette clinique lui servira aussi, un jour, en cas d’urgence sanitaire. Il n’aura ainsi pas besoin de rapidement prendre un vol pour l’Europe comme ses confrères pour… aller mourir.