Ngouda Fall Kane avait cédé sa place à l’inspecteur du Trésor Demba Diallo. Lors de sa démission, il avait interpellé l’Etat sur sa sécurité et sur celle des ex-membres de la Centif. « Quand vous avez traqué pendant six ans, sept ans des criminels financiers, des trafiquants de drogue, des blanchisseurs de manière générale, et que brusquement vous êtes en dehors du système, il est clair que vous devenez exposé », déclare Ngouda Fall Kane. « J’ai eu énormément de difficultés. Je n’ai jamais voulu en parler. Ma voiture a explosé dans un garage. Je reçois souvent des menaces de mort. Quelqu’un m’a dit : « Je ne serais satisfait que lorsque je t’aurais éliminé », révélait-il. Ngouda Fall Kane vient de démissionner la Fonction publique. Un fait rare. Mais seulement, il ne tenait plus face à la pression et aux menaces de morts. Sa faute c’est d’avoir diligenté beaucoup de dossier de blanchiment d’argent. Ce haut fonctionnaire de la fonction publique avait agacé les grands bandits de la République. Ngouda Fall Kane prenait des positions divergentes par rapport aux aspirations de l’Exécutif.
La plus remarquable est relative au projet de modification de l’alinéa 1 de l’article 29 de cette loi a été adopté le 3 mars 2011 en Conseil des ministres. Une telle loi était contradictoire aux dispositions législatives de l’Uemoa en matière de blanchiment d’argent. Plusieurs dossiers transmis au Procureur de la République sont restés sans suite. Des dizaines de dossiers qui devaient être transmis à Juge d’instruction, dorment dans les tiroirs. Lors d’un séminaire sur les organisations non gouvernementales et la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement des capitaux, Ngouda Fall Kane, avait manifesté son désaccord sur les intentions du gouvernement qui tentait de modifier l’article 29 de la loi sur le blanchiment de capitaux. «Si la loi change, ce serait un recul. Le projet de loi, je ne l’ai pas vu. On en parle, mais je ne l’ai pas vu. Pour moi, jusqu’à présent, l’article 29 s’applique dans son intégralité. Je demande à la justice de diligenter les dossiers de blanchiment d’argent qui dorment encore dans ses tiroirs. Il est souhaitable, pour l’efficacité du dispositif contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme que les dossiers transmis à la justice soient traités avec célérité avec diligence », a-t-il déclaré. Selon lui, «avec un tel projet de loi, le Sénégal viole les dispositions de l’Uemoa». L’article en question disait : «Lorsque les opérations mettent en évidence des faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment de capitaux, la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) transmet un rapport sur ces faits au procureur de la République qui saisit immédiatement le juge d’instruction». Dans le projet de loi introduit par le gouvernement, à l’assemblée nationale des changements y ont été apportés : «Lorsque des opérations mettent en évidence des faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment, la Centif transmet un rapport sur les faits au procureur de la République qui apprécie la suite à donner» dit la nouvelle loi. La saisine immédiate du Juge d’instruction est extraite de la nouvelle mouture. Cela veut dire que le procureur ne saisit plus directement et immédiatement le juge d’instruction. Il va plutôt apprécier puis voir la suite à donner aux dossiers qui lui sont transmis par la Centif. Ce projet de loi du gouvernement avait été désapprouvé par les bailleurs de fonds étrangers, notamment les Etats-Unis d’Amérique ainsi que l’Union européenne. Car c’est une porte ouverte à toutes les dérives. Surtout lorsqu’on sait que le procureur de la République est sous la tutelle du Ministre de la Justice. Qui veut-on protéger ? Lors de la réunion de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale sur cette question, Me Abdoulaye Babou député libéral disait que «ce dossier est extrêmement sensible. C’est l’un des projets de loi les plus sensibles depuis l’alternance». «En matière de blanchiment des capitaux, dans tous les pays de l’Uemoa, il est créé la Centif. Quand les banques constatent des mouvements louches, elles doivent les signaler à la Centif. Et la Centif, quand elle est convaincue qu’il y a des suspicions, transmet le dossier en justice», indiquait Me Abdoulaye Babou. Le président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale avançait qu’il appartient au Sénégal, s’il veut modifier une telle disposition, de saisir le conseil des ministres de l’Uemoa. L’Assemblée nationale a pris la responsabilité de renvoyer le projet de loi à l’Exécutif. D’ailleurs, le procureur de la République a été interpelé par Me Babou qui voulait qu’il édifie l’opinion publique sur les dossiers qui lui ont été transmis par la Centif. Ngouda Fall Kane veut sauver sa peau…
(Courtoisie Mouth BANE)