En Afrique, la démocratie est dévoyée car tous les pouvoirs dérivent de celui du Président de la République, détenteur de tous les pouvoirs. Et les conséquences sur l’évolution de nos sociétés sont très négatives. Les quelques rares États réputés démocratiques, parce qu’organisant assez régulièrement des élections, n’arrivent pas à diminuer la pauvreté, à combattre très sérieusement la corruption ou à endiguer la crise économique persistante.
Les peuples africains n’arrivent pas à faire la différence entre un chef d’Etat élu démocratiquement et un chef d’Etat installé au pouvoir par la force. En effet, les pratiques étatiques ont tendance à être similaires: népotisme, passe-droit, favoritisme, corruption à grande échelle, services publics très défaillants, chômage endémique des jeunes etc…
L’hypocrisie du pouvoir nous ruine continuellement. On dit qu’il existe trois (3) pouvoirs, l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Dans la pratique, cela s’avère faux:
Le Président est le chef de la compagnie judiciaire en tant que Président du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Le Président est le chef suprême des Armées.
Le Président nomme à tous les emplois civils et militaires et préside le Conseil Supérieur de la Défense.
Le parti du Président contrôle la majorité des élus au parlement. Beaucoup de pays africains se sont empressés de singer les grandes démocraties occidentales en se dotant de deux (2) chambres, Assemblée Nationale et Sénat. Dans la pratique, c’est toujours des doublons budgétivores du Président de la République qui les contrôle.
Le Président est en général secrétaire général du parti dominant, majoritaire au Parlement.
L’opposition n’a pas de statut qui la protège des dérives du Président et de son clan.
Si bien que depuis quelques années nous assistons à la naissance de sociétés civiles organisées qui prennent l’initiative des luttes démocratiques.
Et le citoyen ordinaire considère les institutions comme des luxes entre les mains capricieuses des détenteurs du pouvoir, une minorité de politiciens alliés aux forces armées de répression.
C’est pourquoi ces institutions ont une durée de vie qui excède rarement celle du mandat du Président. Chaque Président qui arrive croit détenir de Dieu son pouvoir et instrumentalise à sa façon les institutions. Ce faisant, nos États se trouvent confrontés à des perpétuelles restructurations qui nuisent à leur efficacité et à leur productivité. La Constitution des Etats Unis d’Amérique fête ses 225 ans ce 17 septembre 2012. Intouchable depuis 1787!
La conception qu’on a de la démocratie c’est l’existence de plusieurs partis. Point. Les espaces publics de délibération sont transformés en caisses de résonance pour le Président. Nous continuons à ruser avec l’Etat de droit qui a son calendrier et ses exigences.
La préoccupation essentielle des sociétés modernes est l’utilisation honnête des ressources publiques, l’égalité absolue des citoyens devant la loi. Les conséquences de ces énoncés sont cruciales pour la survie des états africains. Le niveau d’information des citoyens si élevé grâce aux NTIC et à la Presse commande aux détenteurs de pouvoir de se réformer radicalement et de s’initier à la Bonne Gouvernance.
Les revendications démocratiques essentielles s’articulent à présent autour des urgences suivantes:
-Rupture du lien ombilical entre la Magistrature et l’Exécutif car seule l’indépendance de la Justice peut garantir et protéger les droits et libertés des citoyens et mener à bonne fin des poursuites contre les nombreux détournements de deniers publics.
-Autonomie budgétaire du Pouvoir judiciaire (car qui paye commande) afin de tacler sérieusement la corruption qui nous coûte quasiment 20 % de nos PIB chaque année. Malgré notre pauvreté, nos États corrompus nourrissent ses délinquants à hauteur de plus de 180 milliards de dollars par an.
-Mettre fin à l’immunité permanente des chefs d’Etat africains après qu’ils aient quitté le Pouvoir.
-Accepter l’opposition comme un contre pouvoir constitutionnellement garanti.
-Exiger des gouvernements africains de rendre compte de l’utilisation des deniers publics auprès d’instances indépendantes et reconnues dans les Chartes Fondamentales.
-Repenser l’Etat africain qui n’est d’aucune utilité pour les peuples. Les administrations africaines sont vraiment atypiques. Elles n’existent que pour elles-mêmes et n’offrent que des services médiocres voire inexistants aux populations et aux jeunes générations. Les transferts sociaux sont quasi-inexistants.
En somme, les révolutions démocratiques de troisième génération sont à venir en Afrique.
Seydina Oumar Touré
En hommage aux 225 ans de la Constitution américaine!