Convention de l'UA

Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption (Cuaplc)
Enfin un instrument de lutte contre la corruption en Afrique.

africaine-300x198 Convention de l'UAUn saut historique a été effectué le 6 août 2006, soit un mois après le dépôt du quinzième instrument de ratification par l’Algérie de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption (Cuaplc). L’entrée en vigueur de la Cuaplc devrait s’accompagner d’une analyse prospective sur les voies et moyens de faire de cet instrument un outil efficace de lutte et de prévention de la corruption. Il faut rappeler que c’est à la 34e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, en juin 1998 à Ouagadougou (Burkina Faso) que le secrétaire général de l’Oua avait reçu mandat de convoquer, en collaboration avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, une réunion d’experts pour réfléchir sur les voies et moyens pour éradiquer les obstacles à la jouissance des droits socio-économiques, y compris la lutte contre la corruption. La 37e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement en juillet 2001 à Lusaka (Zambie) et la Déclaration adoptée à la première session de l’Union africaine en juillet 2002 à Durban (Afrique du Sud) recommandaient la mise en place d’un mécanisme coordonné pour lutter contre la corruption. La Cuaplc a été adoptée par la deuxième session ordinaire de la Conférence de l’Union Africaine à Maputo le 11 juillet 2003.
Les principaux objectifs de la Cuaplc sont la promotion par chacune des parties contractantes de mesures nécessaires pour prévenir et réprimer la corruption et les infractions assimilées dans les secteurs privés et publics, faciliter la coopération entre les Etats parties et l’harmonisation des politiques répressives dans le domaine de la corruption. Le Traité africain met l’accent sur l’accès à l’information pour renforcer la transparence dans le financement des partis politiques, l’assainissement du secteur privé avec des mesures empêchant le versement des pots-de-vin. La société civile et les medias seront ainsi au cœur du dispositif de lutte contre la corruption. Les personnes poursuivies pour corruption devront bénéficier d’un procès équitable. Les Etats parties devront extrader les personnes poursuivies lorsque leur extradition est demandée par une autre partie contractante. Ils devront confisquer et saisir les produits et les moyens de la corruption et même lever le secret bancaire au besoin. A cette fin, une coopération et une assistance mutuelle en matière judiciaire sont indispensables entre tous les Etats parties.
La Cuaplc a primauté sur les dispositions de tout traité ou accord bilatéral sur la corruption aux termes du paragraphe 2 de l’article 4, sous réserve ‘d’un accord mutuel à cet effet, entre deux ou plusieurs Etats parties à cet accord, pour tout autre acte ou pratique de corruption et infractions assimilées non décrit dans la présente convention’. La Cuaplc devra donc être une réponse aux pratiques malsaines dans la gestion des affaires publiques. Elle exige des parties contractantes la mise en œuvre d’une politique pénale commune protégeant la société contre la corruption, mais aussi l’adoption de mesures législatives et administratives adéquates.
La porosité des frontières économiques encourage le trafic illicite, la corruption, les pots-de-vin et le blanchiment de l’argent sale. La mondialisation des économies et des moyens de communication, sans un minimum de coordination des politiques nationales, risque de favoriser une gigantesque foire d’empoigne. L’opacité des échanges internationaux et la compétitivité dans l’improvisation encouragent le clientélisme et les détournements de deniers publics. L’arbitraire dans les relations économiques internationales révèle l’existence de transactions nébuleuses couvrant les appels d’offres et favorisant le blanchiment de l’argent sale. Cette situation chaotique entraîne la quasi-impunité des groupes transnationaux. Le secteur privé devra s’attaquer à la corruption pour faire face à la concurrence déloyale, pour assurer la protection juridique des contrats et des droits de propriété.
L’instrument africain devra casser la synergie dynamique entre deux sphères interdépendantes de la criminalité économique, d’une part une économie de type mafieux (revenus des trafics d’armes, de la drogue, du blanchiment de l’argent sale, des pots-de-vin) et d’autre part la criminalité en col blanc (détournement de deniers publics, mauvaise gouvernance et corruption des fonctionnaires). Ces deux domaines sont étroitement combinés par le vecteur de la corruption politique.
Les Etats parties prenantes devraient prendre des mesures législatives et autres pour qualifier d’infractions pénales les actes de prévarication de toutes sortes. Aux termes de l’article 4 paragraphe 1 de la Cuaplc, les parties contractantes devraient adopter des règles appropriées pour prévenir, détecter, réprimer et éradiquer la corruption. Les Etats contractants pourront ainsi contrôler les activités du secteur privé. Ces mesures législatives répressives constitueront des outils efficaces pour lutter contre le blanchiment des produits de la corruption et l’enrichissement illicite.
Le Comité consultatif, composé de 11 membres élus par le Conseil exécutif, dont le mandat est de deux ans renouvelables une fois, est l’instance de contrôle de l’instrument africain. Il a pour mission d’encourager l’adoption de mesures législatives en matière de lutte contre la corruption, de conseiller les gouvernements en matière de lutte contre toute infraction pertinente et faire rapport au Conseil exécutif sur les progrès réalisés par chaque Etat partie. Le Comité n’a aucune fonction juridictionnelle, il n’est qu’un cadre de concertation pour les politiques répressives en matière de lutte et de prévention de la corruption.
L’Afrique devra se mobiliser pour inclure les crimes économiques, qui précarisent toutes les perspectives du développement économique, dans la liste des crimes énumérés part l’article 3 du Statut de la Cour pénale internationale.
La Cuaplc pourrait être un instrument de la modernisation économique et sociale pour combattre la bureaucratie rampante et la mauvaise gouvernance qui gangrènent le tissu social un peu partout en Afrique. Elle pourra susciter une interaction dynamique et une réconciliation entre l’Etat et le secteur privé avec l’adoption de normes nationales strictes pour faire respecter les règles du jeu par le secteur privé et l’élaboration d’un cadre législatif susceptible d’encadrer les activités du secteur privé et pour que ce dernier adopte une gestion transparente et respectueuse de la législation nationale.
L’instrument africain permettra la décentralisation de l’activité de l’Etat avec la participation populaire au processus décisionnel au sein des secteurs décentralisés. Par le biais de l’engagement citoyen, une grande participation des populations à la gestion des affaires publiques renforcera les programmes de réforme de l’Etat et la décentralisation de l’administration publique. Les classes dirigeantes pourront enfin expliquer à leurs peuples la valeur ajoutée que leur donne l’engagement citoyen dans le sens de la bonne gouvernance.
La turbulence de certaines transitions politiques s’accompagne d’une corruption généralisée des principaux acteurs. Certains acteurs de la transition bloquent toutes les investigations criminelles sur la corruption en imposant une impunité permanente sur les crimes. Il faut éviter que la transition politique ne soit prise en otage par des intérêts égoïstes et que s’installe aux commandes de l’Etat une querelle de clochers, dont l’objectif serait de procurer l’impunité à des personnes coupables de corruption caractérisée. Les acteurs politiques connus pour leur vénalité devraient être disqualifiés dans leur prétention de prise du pouvoir, même par les urnes. Les politiciens trempés dans la corruption et le détournement de deniers publics devront répondre de leur forfaiture devant les juridictions compétentes.
Beaucoup de responsables politiques ponctionnent, sans être inquiétés, les caisses publiques à des fins d’enrichissement illicite, avec pour conséquence un effondrement total du tissu économique de l’Etat et le bradage des entreprises reprises par des gestionnaires véreux qui les avaient mises en faillite.
Le Sénégal et des Sénégalais ont joué un rôle clé dans la phase d’élaboration de l’instrument africain. La Loi n° 2007-09 du 15 février 2007 a autorisé le Président de la République à ratifier la Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption, adoptée le 11 juillet 2003 à Maputo.