Les projets de loi sur la transparence de la vie publique votés par les députés proposent, pour la première fois, un dispositif global visant à prévenir les conflits d’intérêts des responsables publics. Si ces textes constituent indéniablement une avancée majeure sur la voie de la transparence, des améliorations peuvent encore être apportées sur plusieurs points. Transparency International France appelle les sénateurs, qui doivent encore discuter et voter ces textes, à rétablir la publication des déclarations de patrimoine et à renforcer le régime des incompatibilités parlementaires. Ce faisant, ils permettraient à la France de devenir une référence en Europe en matière de déontologie de la vie publique.
Paris, 25 juin 2013. A l’issue des débats de la semaine dernière, les députés ont voté aujourd’hui les projets de loi sur la transparence de la vie publique. Plusieurs modifications ont été apportées en séance publique, sans changer néanmoins fondamentalement les textes issus de la Commission des lois.
Les modifications issues des travaux de l’Assemblée nationale
Les travaux de l’Assemblée nationale, qui ont été riches et animés, ont permis de réelles avancées correspondant, sur de nombreux points, aux recommandations formulées par notre association Transparency International France :
– les moyens de la Haute autorité de la transparence de la vie publique ont été renforcés ;
– le contenu des déclarations d’intérêts a été précisé. Ces déclarations, qui seront publiques, devraient ainsi être relativement exhaustives, inclure les rémunérations perçues et, pour les parlementaires, donner les noms de leurs collaborateurs ;
– l’idée d’une possibilité de déport pour les parlementaires est évoquée. Pour Transparency International France, il est cependant nécessaire d’inscrire cette obligation dans la loi ;
– les ministres et les parlementaires devront récapituler, dans leur déclaration de fin de mandat, l’ensemble des revenus perçus pendant la durée de leur mandat ;
– la Haute autorité sera chargée d’établir des lignes directrices encadrant les relations entre les représentants d’intérêts et les différentes institutions qu’elle est chargée de contrôler ;
– les règles sur le financement des partis politiques, notamment via les micro-partis, ont été renforcées ;
– les associations anti-corruption habilitées à saisir la Haute autorité feront l’objet d’un agrément par la Haute autorité et non par l’exécutif.
Ces avancées doivent être confirmées au Sénat.
Plusieurs amendements proposés en séance publique, qui auraient permis de renforcer les textes, n’ont cependant pas été adoptés. Ils concernaient la transparence des indemnités des parlementaires, le plafonnement des revenus annexes, la publication des déclarations dans un format ouvert et réutilisable ou encore la possibilité d’une peine d’inéligibilité à vie.
Publication des patrimoines, incompatibilités : les sénateurs peuvent améliorer les textes
Le passage des textes à l’Assemblée nationale a également été marqué par la remise en cause de deux mesures d’une grande portée politique et symbolique.
La première concerne les déclarations de patrimoine qui ne seraient pas rendues publiques, à l’exception de celles des ministres. Ces déclarations seraient consultables, mais aucune information ne devrait être divulguée sous peine de sanctions pénales fortes. Un amendement visant à rendre uniquement publique l’évolution du patrimoine en cours du mandat n’a pas non plus été adopté.
Cette modification est mal comprise par un grand nombre de nos concitoyens qui, dans leur majorité, souhaitent que ces informations soient publiques1]. Pour Daniel Lebègue, président de Transparency International France, « dans un pays aussi informé et éduqué que la France, on se doit de faire confiance à la capacité de jugement et à la sagesse de nos concitoyens.» On peut également s’interroger sur les conséquences pour les journalistes qui voudront enquêter sur la situation financière de certains élus. Transparency International France propose donc une publication de manière simultanée de toutes les déclarations au Journal Officiel.
Le deuxième axe d’amélioration concerne l’incompatibilité entre un mandat parlementaire et l’exercice d’activités de conseil. La fonction de conseil n’ayant pas de définition juridique, le sujet est effectivement complexe. Cependant, l’existence de cette double activité est à l’origine de nombreux conflits d’intérêts. Pour Transparency International France, il est essentiel d’inscrire dans la loi, comme principe de base, l’incompatibilité du mandat parlementaire avec les fonctions de conseil. Il reviendrait Bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, après avoir pris l’avis de la Haute autorité, de définir les modalités de mise en œuvre et de contrôle de ce principe. Les mêmes règles d’incompatibilité devraient également s’appliquer aux collaborateurs parlementaires.
Pour Daniel Lebègue, « il en va du bon fonctionnement de la démocratie. Comment les parlementaires peuvent-ils jouer leur rôle de législateurs et garantir que leurs décisions sont prises au nom de l’intérêt général s’ils risquent eux-mêmes d’être influencés, de par leurs activités professionnelles annexes, par d’autres intérêts ? Cela va aussi à l’encontre des attentes de la majorité de nos concitoyens qui souhaitent que leurs élus se consacrent à 100% à leur mandat. »
Si les textes peuvent encore être améliorés sur d’autres points (cf. 10 axes de progrès), Transparency International France appelle les sénateurs, qui doivent en débattre au cours des semaines à venir, à renforcer le dispositif législatif en priorité sur ces deux points. L’enjeu est important : c’est celui de la régénération du contrat de confiance entre élus et citoyens qui constitue le socle de la démocratie.
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