En Afrique, la « Démocratie » n’a pas encore mené ni vers le développement ni vers la transparence.

Dans sa thèse Choix social et valeurs individuelles (1951), Kenneth Arrow généralise un résultat déjà obtenu par Condorcet en montrant qu’il est impossible de définir l’intérêt général à partir des choix individuels (théorème d’Arrow). On ne peut définir de façon cohérente une préférence collective en agrégeant des préférences individuelles. Les décisions d’un Etat (même démocratique) ne peuvent donc pas être légitimes. Ce « théorème d’impossibilité » s’énonce ainsi (en simplifiant, car il s’agit d’un théorème mathématique de la théorie des ensembles qui réclame une démonstration élaborée) :

Il n’existe pas de fonction de choix social (un système de vote) qui puisse convertir des préférences individuelles en une décision agrégée cohérente, hormis dans le cas où la fonction de choix social coïncide avec les choix d’un seul individu (« dictateur »), indépendamment du reste de la population.

La conséquence de ce théorème est que la prétention de la Démocratie (qu’elle soit directe ou représentative) à exprimer une « volonté générale » est une imposture : la « volonté générale » n’existe pas, et les politiciens n’obéissent qu’à leur intérêt particulier. En Afrique, à l’observation des faits, on ne peut non plus affirmer que la démocratie soit systématiquement, et par nature, meilleure que la dictature (car il peut y avoir des « despotes éclairés » aussi bien que des « démocrates totalitaires« ).

Ce théorème confirme ce qu’on peut comprendre intuitivement assez facilement : si Pierre préfère A, Paul préfère B et Jean préfère C, il ne peut y avoir de « choix collectif » de Pierre, Paul et Jean. La règle de la majorité n’est qu’une règle qui ne peut définir un choix collectif légitime.

Il est dès lors tentant d’appliquer ce théorème à l’Afrique où la « Démocratie », réduite à l’organisation tumultueuse d’élections, n’a encore apporté ni bien être aux populations ni faire reculer la pauvreté. En effet, nous observons depuis 50 ans une baisse tendancielle du bien être des populations africaines. Il arrive même que l’organisation périodique d’élections en Afrique aboutisse à des coups d’Etat (le cas du Mali) ou à des guerres civiles (le cas de la RDC).

Nous en sommes toujours aux coupures fréquentes d’électricité, au défaut d’enlèvement des ordures ménagères, au chômage massif et chronique des jeunes, à la faillite des systèmes éducatifs et à la répression massive des oppositions démocratiques. La Démocratie telle que pratiquée n’apporte rien aux populations africaines mais entretient une caste politico-affairiste corrompue et parasitaire.

« Le patriotisme de parti », nouvel alibi de la maffia politique en Afrique.

La Démocratie ne fait pas encore la différence en Afrique entre Etats démocratiques et Etats non démocratiques. La nature des ces Etats est la même. L’expression est de nos jours galvaudée. L’exemple du Sénégal  est patent : D’après Transparency International, index 2011, la Gambie est un pays moins corrompu que le Sénégal ; Pourtant les autorités sénégalaises bombent la torse partout pour s’auto réjouir des avancées démocratiques. La corruption ne recule pas au Sénégal, la répression est aux aguêts avec l’existence d’une police politique appelée la DIC, le chômage est à son niveau historique le plus élevé. Rien n’a vraiment changé pour les citoyens sénégalais sinon que les choses vont de mal en pis depuis les indépendances !

La raison en est que les Etats africains sont à réformer radicalement. Nous assistons à une patrimonialisation de l’Etat, « loué » à intervalles régulières par un parti politique dominant dont les membres influents se précipitent à piller les maigres ressources existantes sous la forme de « partage du gâteau ». Les présidents africains de tous bords sont assis sur des fortunes colossales car les lois qu’ils se donnent leur permettent de détourner « légalement » des millions d’euros chaque année sous la forme de fonds spéciaux ou de fonds politiques. Au nom du patriotisme de Parti, le parti au pouvoir place ses membres aux postes stratégiques des Etats africains. Le meilleur raccourci pour un chômeur de devenir quelqu’un est de militer dans un parti politique et de prier que le chef du parti devienne chef de l’Etat. On pille les ressources du pays au nom du Parti, on instrumentalise l’Etat au nom du Parti, le Parti dicte sa loi au Peuple et tout cela se réalise en Afrique dans une opacité totale. Les peuples africains sont pris en ôtage par une maffia politico-militaire.

Tant que l’argent public ne sera pas géré dans la transparence absolue, adieu le développement en Afrique.

Pourtant « Le patriotisme de parti » est une noble expression utilisée par les socialistes français en 1926 : De durée réduite – de mai à décembre 1926-, la Correspondance socialiste se créée dans une conjoncture où l’identité énoncée à Tours ne porte plus la sfio, où les propositions de Léon Blum dégagent un espace conceptuel d’unité du parti, où la droite socialiste conçoit son projet comme avenir pour le Parti socialiste. Face à ce triple défi, le secrétariat, des militants se reconnaissant à gauche choisissent d’affirmer leurs conceptions ancrées sur la tradition, l’autonomie dans la République. Une expression fixe leur position, le patriotisme de parti. (faure Paul.  « Le patriotisme de parti », La Correspondance socialiste, 22 mai 1926 : Maison socialiste, EUD, 2005).

Nous en appelons à des révolutions démocratiques de troisième génération en Afrique. Elles passent par la lutte sévère contre la corruption et l’émergence de l’Etat de droit qui place le citoyen au dessus de tout. L’indépendance absolue de la Justice en est la condition sine qua none.

Seydina Oumar Touré.

seydihorizon@gmail.com

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